Blade Runner

Film de Ridley Scott

Eh oui, à l’heure où Blade Runner 2049 avec Harrison Ford et Ryan Gosling est une grosse réussite cinématographique ces derniers mois, je me dis que revenir aux origines de cette histoire peut-être plutôt intéressant pour quiconque lira cette chronique !

Car avant Blade Runner 2049, il y a à la base le film culte Blade Runner (tout court) de Ridley Scott (Monsieur Alien), datant de 1982 et inspiré de la nouvelle de Philip K. Dick, intitulée, Blade Runner : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, qui elle date de 1968.

Notez bien que j’ai bien écrit « inspiré » et non « adapté » car effectivement, Ridley Scott ne va pas calquer telle quelle l’histoire de Philip K. Dick.
Si vous n’avez vu/lu ni l’un ni l’autre, attention aux spoils. Si vous avez vu le film de 1982 et que vous ne comptez pas lire le livre, cet article est un petit cadeau avant les fêtes !

 

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Commençons par le commencement : Le Livre

Sorti en 1968, Philip K. Dick nous transporte dans un univers bien futuriste, situé dans les années 2000. Autant vous dire tout de suite, qu’on n’en est pas arrivé encore là dans le stade de notre évolution. Oui, je sais me direz-vous c’est de la fiction.

L’histoire commence avec Deckard, un chasseur de primes qui se réveille de sa nuit aux côtés de sa femme, Iran, aussi antipathique que possible. Elle lui reproche notamment d’être un tueur. Son métier étant de mettre hors service des androïdes, c’est-à-dire des robots à forme humaine. Pour tenter de calmer l’humeur massacrante de sa femme et de la rendre plus empathique, Deckard lui suggère de se brancher sur « l’orgue d’humeur » afin qu’elle puisse passer une belle journée au lieu de ruminer comme elle le fait. Mais rien y fait. Elle s’entête à être désagréable et lui préfère sortir sur le toit donner à manger à son mouton. Mouton qui s’avère être un androïde. La Terre n’est plus celle que nous connaissons, elle meurt à petit feu et les premiers à en avoir pâti ont été les animaux. Les espèces ont peu à peu disparu et posséder un animal désormais reste un luxe et un signe de richesse. Deckard passera d’ailleurs tout le temps de l’histoire à se balader avec un catalogue animalier pour savoir quel animal il peut se payer.

La Terre est d’ailleurs de plus en plus à l’abandon. Les personnes aisées, en bonne santé et avec un QI élevé ont pu partir sur d’autres colonies comme Mars. Les autres sont restées à l’arrière et tentent de survivre comme elles le peuvent.

Une fois son mouton nourri et tout le tralala, Deckard part au bureau, c’est-à-dire au poste de police où il apprend que le très grand chasseur de primes, Holden, s’est fait descendre par un androïde du type Nexus-6. La chasse est ouverte. Six androïdes sont recherchés pour s’être échappés des colonies sur lesquelles ils étaient employés à faire de basses besognes pour les humains. Sauf que le Nexus-6 est loin d’être un simple robot. Il a été doté d’une intelligence et surtout de la capacité de ressentir, le rendant difficilement identifiable.
La tâche de Deckard est donc loin d’être aisée, en plus d’être dangereuse pour sa vie. Mais il ne va pas se laisser démonter et pour cela, il va utiliser un questionnaire intitulé le Voigt-Kampff. C’est ainsi qu’il va faire la connaissance au sein de la Fondation Rosen, à l’origine de ces androïdes, de Rachael. Une androïde qu’il doit tuer et dont Deckard va tomber amoureux même si l’écriture de l’auteur sur ces passages et la façon dont leur histoire se termine est quelque peu abrupte. Il va également faire la rencontre d’un autre Nexus, qui sera totalement ignorant de sa situation et qui sera un policier, laissant à Deckard la place de développer sa propre empathie et ses propres questionnements par rapport à ces androïdes. Il va même se demander s’il n’en est pas un lui-même.

Ce qui laisse réfléchir également est l’usage des mots car il ne s’agit pas de tuer dans le livre mais de mettre hors service des robots qui ont déconné et tout le livre va tourner autour de cette vision de ce monde là.

En parallèle, le lecteur découvre également un autre personnage qui a toute son importance dans l’histoire : John Isidore. Cet homme travaille pour un vétérinaire et a été considéré comme une « tête de piaf », c’est-à-dire un homme au QI faible. Il n’a donc pu partir pour les colonies. Sa place dans l’histoire est primordiale car c’est dans l’immeuble dans lequel il vit que vont se cacher les Nexus-6 traqués et qui seront retrouvés.

Deckard est loin d’être un héros.

C’est un humain qui se retrouve confronté à la question de sentiments qu’il ne pensait pas un jour posséder à l’égard d’un androïde. Il mène sa vie comme elle doit être menée. Et elle ne fait clairement pas envie. Comme s’il était enfermé dans une sorte de bocal, car c’est ce qu’on ressent à la lecture de ce livre, c’est pesant, noir, limite claustrophobique où l’humain ne se retrouve plus véritablement maître de son destin. Rien que l’existence de la boîte à empathie est à glacer le sang. Ce système va d’ailleurs s’avérer être une supercherie que le lecteur découvre à la fin du livre.

La fin de l’histoire pourrait décevoir et pourtant, elle est comme il fallait qu’elle soit. En effet, Deckard tombe amoureux de Rachael, qui arrivera à s’enfuir après avoir tué la chèvre qu’il aura achetée de ses primes (ce qui est quand même symbolique) et Monsieur rentre chez lui à la fin et retrouve sa femme. Le cours de la vie reprend et se termine ainsi comme si de rien était alors que Deckard a du faire face à de nombreux sentiments auxquels il ne s’attendait pas. Il est en réalité anesthésié, épuisé.

 

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Le film

Et le film est tout autre. Et pour cela Ridley Scott a fait du très bon boulot. Ce film est culte même si bon oui, les années 80 étaient quand même bien kitsch question style vestimentaire et coupes de cheveux.

Nous retrouvons Deckard, interprété par Harrison Ford, qui est effectivement appelé à tuer des Nexus-6 qui se sont échappés des colonies. Jusque là pas de réelles différences. Ce qui change par contre c’est le fait que Deckard est célibataire, qu’il n’est quasiment pas fait référence aux animaux et qu’il n’existe pas de boîte à empathie. Et Isidore ne s’appelle plus Isidore et ne travaille plus pour un vétérinaire mais il se nomme désormais J.F. Sebastian et travaille pour Tyrell, créateur des Nexus-6.

 

L’histoire va se dérouler de la même façon. Deckard va remplir sa mission. Ce qui change grandement par contre c’est la façon dont sont abordés les androïdes. Deckard tombe amoureux de Rachael et elle va l’aimer en retour. La fin du film se referme d’ailleurs sur ce couple atypique que Deckard va tenter de sauver coute que coute. Et surtout, Roy Batty, joué par Rutger Hauer, apporte un autre regard. Roy Batty est également dans le livre et passe pour le meneur psychopathe de la bande. C’est le cas ici aussi mais c’est beaucoup plus subtil et l’affrontement final entre ce personnage et Deckard est grandiose dans le film.

Car en soi, ce que cherchent ces androïdes en ayant fui les colonies et leur situation d’esclave, c’est leur liberté. Leur liberté de vivre et d’aimer, au-delà d’une durée de quatre ans. Car ils se savent condamnés et c’est pour cela qu’ils vont à la recherche de leur créateur, Tyrell, pour qu’il inverse le cours des choses et leur donne la possibilité de vivre. Malheureusement l’histoire sera tout autre et la scène entre Roy et Deckard est aussi terrible que magnifique. Roy aurait pu tuer Deckard, et pourtant il le sauve et meurt sous ses yeux, ce qui change aussi le regard que porte Deckard sur les Nexus.

 

Ce film est un bijou.

Pas tant dans le rôle joué par Harrison Ford, qui je dois bien l’admettre joue parfois très mal sur certains plans. Il surjoue et c’est bien dommage.
Par contre, Rutger Hauer qui interprète Roy Batty est tout simplement excellent. Il crève l’écran, à tel point qu’il rend Deckard quelque peu fade.
Autre point aussi et non des moindres, il y a des plans cinématographiques superbement bien gérés. Le spectateur a parfois l’impression d’être dans la même pièce, comme s’il en était le héros. Et il y a des plans fixes d’une pure beauté également. Notamment celui où Rachael est chez Deckard et regarde le piano.

 

Ces deux œuvres sont vraiment à découvrir. Elles n’abordent pas les choses de la même façon même si, pourtant, elles sont liées et c’est en cela que le livre et le film sont à lire et à voir. Pour des sujets similaires, ce que le lecteur et ce que le spectateur ressentiront ne sera pas comparable et rien que pour cela ces deux œuvres sont majeures dans l’histoire du cinéma.