Serge Gainsbourg : L’Histoire de Melody Nelson et L’homme à la tête de chou
by Nolwenn le Déc 1, 2010 • 15 h 21 min Pas de commentairesSorti par une belle porte des 60’s (69 année érotique et sa rencontre cosmique avec la comète Jane Birkin), Serge Gainsbourg crée à l’orée des 70’s, un ovni musical, le premier album concept de la chanson française : « L’Histoire de Melody Nelson ».
Un poème symphonique orchestré par Jean Claude Vannier et électrifié par un quatuor de musiciens anglais : Alan Parker à la guitare, Herbie Flowers à la basse, Dougie Wright à la batterie et Alan Hawkshaw au clavier. Le synopsis ? Un dandy à la quarantaine circule en Roll’s Royce Silver Ghost et percute accidentellement le vélo rouge candy d’une jeune rouquine, Melody Nelson, agée de 15 ans… une sombre histoire d’amour naîtra de cette rencontre fatale. Serge Gainsbourg a toujours été fasciné par le mythe de Pygmalion, ce roi légendaire de Chypre, tombé amoureux d’une statue qu’il avait lui-même sculpté. Il a été foudroyé par la beauté sulfureuse d’un roman de Vladimir Nabokov : « Lolita », road movie halluciné à travers l’Amérique, qui unit Humbert Humbert, professeur de littérature et Dolores Hazes alias Lolita, nymphette de 12 ans…
Les 2 piliers de « L’Histoire de Melody Nelson » sont « Melody » et « Cargo Culte »… longs poèmes inspirés qui ouvrent et clôturent l’album et plantent à merveille l’univers nocturne et érotique de l’histoire… Serge Gainsbourg adopte le talk over (parler sur la musique), sur une rythmique basse-guitare électrique-batterie imparable et plombante, surligné par une envolée de cordes aériennes et majestueuses. Rien n’est à jeter, tout est subtil et calibré. On suit ce dandy quadra dans une ville imaginaire (qui pourrait être Londres, puisque l’album y est enregistré), on le suit « En Melody » (instrumental)jusqu’à cet « Hôtel Particulier » rococo (la reprise de Rita Mitsuko est magnifique), une ballade nocturne et lunaire au coeur d’un labyrinthe fragile jusqu’à cet accident fatal, ce naufrage… le survivant attendra en vain, le retour improbable de Melody, « mineure détournée de l’attraction des astres ». Le bonheur n’existe pas, tout histoire d’amour est appelée à se fracasser sur le mur du réel et Paul survivra toujours sans Virginie. « L’Histoire de Melody Nelson » n’a pas connu un succès public immédiat. Jean-Christophe Averty, cinglé du music hall notoire a mis en image cette histoire d’amour fatal, à l’époque (1971) où la télévision jouait un rôle artistique… long clip rétro-futuriste.
Les 70’s se poursuivent et je laisserai l’année 73 de côté, Serge Gainsbourg est hospitalisé d’urgence pour son premier infarctus, il sort « Vue de l’extérieur » où ses obsessions pétomanes me font chier (humour). Je laisse aussi « Rock around the bunker », sorti en 1975, album qui exorcise son enfance… l’histoire d’une famille juive confrontée à l’ignominie Nazi rock nazi… on sent que musicalement, Gainsbourg est en fin de cycle. Et pourtant, c’est en 1976, année punk qu’il atteindra le sommet de son art, quand il rencontrera chez un antiquaire l’homme à la tête de chou.
On connaît le procédé donc, « L’homme à la tête de chou » retrace les péripéties d’un journaliste fauché qui rencontre une shampouineuse chez Max, coiffeur pour hommes. Elle se nomme Marilou. Il en tombe raide dingue, jusqu’à la tuer d’un coup d’extincteur d’incendie. Pygmalion a encore détruit une statue… il finira sa vie dans un hôpital psychiatrique. Serge Gainsbourg s’est séparé de son orchestrateur Jean-Claude Vannier. Il travaille avec Alan Hawkshaw, qui était son claviériste sur « L’Histoire de Melody Nelson ». Résultat : un blues rock très lourd, plombant et tendu, jusqu’à la folie… Serge Gainsbourg s’est emparé du talk over (sauf sur Marilou sous la neige qui deviendra un classique). Le chef d’oeuvre de cet album est sans nul doute « Variations sur Marilou »… un motif musical répété ad libitum, une boucle samplée à l’infini et un texte magistral digne de rentrer dans une anthologie de la poésie française. Marilou Alice au Pays des Merveilles dans l’intimité de sa chambre…
La jeunesse punk en pleine ébullition adoubera Serge Gainsbourg, ce vieil oncle pervers. C’est le groupe Bijou qui l’invitera sur scène. Il a enfin terminé sa mutation… bientôt Gainsbourg deviendra Gainsbarre…
Pour en savoir plus :
– Le site underground de Monsieur Serge Gainsbourg
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(Article écrit par CarlosS)