RÉALISATEUR : JOHN FORD ; AVEC : HENRY FONDA, JANE DARWELL, JOHN CARRADINE…
Après un séjour en prison, Tom Joad retourne dans sa famille. A son retour il découvre que tous ont été chassés de leurs terres et que sa famille est elle aussi sur le point de partir. Commence alors une traversée des Etats-Unis en direction de la Californie où ils espèrent trouver du travail. Mais l’Amérique traverse une crise et les Joad vont de déceptions en déceptions et découvrent un monde où règnent désormais l’injustice et l’exploitation de la misère.
Les Raisins de la colère sont à replacer dans un certain cadre historique. En effet, John Ford adapte le roman de Steinbeck qui a été écrit en 1938 et qui fait référence à la Grande Dépression qu’ont connu les Etats-Unis à partir de 1929. Les personnages sont à l’image des paysans forcés à quitter leurs terres afin de trouver du travail plus au Sud, dans de grandes exploitations agricoles qui exploitent la main d’œuvre. Outre le krach boursier, le Dust Bowl (tempête de poussière) et la sécheresse contraignent les fermiers du Middle West à fuir vers l’ouest, notamment vers la Californie. Les Exploitations agricoles fonctionnant sur le modèle capitaliste sont soutenues par l’Etat en cette période de crise et entraînent l’exploitation de la mains d’oeuvre de tous ces fermiers errants, qui n’ont pas le choix et doivent accepter les contraintes de travail.
A travers ce film, Ford aborde plusieurs thématiques. Déjà il fait un film à référence historique en montrant ces familles chassées de leurs terres, obligées de trouver du travail et de se reconstruire une vie ailleurs. En ancrant son film dans ce contexte de crise dans laquelle se développe de grandes entreprises libérales, Ford aborde également les thèmes de déracinement, et d’opposition entre communauté et un individualisme. On peut dire que le thème du déracinement est familier au réalisateur, lui-même issu d’une famille d’immigrés irlandais. Dans Les raisins de la Colère, il montre les Joad, cette grande famille très traditionnelle (parents, enfants, grands parents… vivent sous le même toit), aux côté d’autres familles, qui est d’abord chassée de ses terres, leur gagne pain et leur lieu de vie, et qui va errer à travers les Etats-Unis en quête d’une nouvelle vie.
Il y a bien l’idée de déracinement mais aussi d’errance, de pertes de repères et la recherche d’un nouvel endroit où ils pourront (enfin) se sentir chez eux. En effet, ces personnages semblent sans attaches particulières. Les terres qu’ils avaient n’étaient en fait pas à eux et on les en a chassé. Ils se retrouvent donc sans port d’attache, seuls sur les routes, leur voiture faisant le temps du voyage office de maison. Outre l’idée de déracinement, on a aussi le sentiment qu’il y a une très forte opposition entre la notion de famille, une communauté très soudée que Ford met en avant, et l’individualisme des grandes exploitations qui entraînent misère et désespoir. Ford met l’accent sur l’importance de la solidarité, dans la famille d’abord, et entre les Hommes face à l’exploitant. Il y a donc une opposition entre l’humanité des communautés face au mépris et l’absence de sentiments humains des firmes ; qui voient l’Homme en simple main d’œuvre (remplaçable à souhait , surtout en temps de crise) et non comme un être humain. Ford met en avant cette détresse des personnages notamment à l’aide de gros plans sur leur visage et rend compte de leur solitude et de la difficulté de leur périple en faisant des plans d’ensemble de ces paysages de l’Ouest américain au travers desquels avance tant bien que mal la voiture des Joad. Ford ne fait pas un film politique, engagé et critique, mais signe un film empreint d’humanisme. Le réalisateur montre le choc de la crise économique sur certaines populations mais également le choc entre un monde rural et l’arrivée de la modernité. L’image la plus représentative de cette condition est la scène des tracteurs caterpillar écrasant les maisons des fermiers. De cette situation ressort également l’éclatement de la cellule familiale. Malgrè tout John Ford poste Ma Joad en pilier de la famille et sublime cette femme pleine de force qui a elle seule maintient l’équilibre familial, et donnera a la fin du film une note d’espoir en disant « il ne peuvent pas nous anéantir, nous sommes le peuple ».